À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie

Cher Monsieur Guibert, Hervé, cher Hervé,C'est avec une grande tristesse que je vous écris ces lignes aujourd'hui. Pourquoi? D'une part, parce que j'aurais voulu les écrire sur un beau papier, signer cette lettre de ma propre main, vous l'envoyer par voie postale et attendre impatiemment votre réponse. Cette idée m'est venue alors même que je me situais à la moitié de votre livre, "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie". Elle est rapidement devenue virale. Il fallait que je vous dise, il fallait que je vous explique, il fallait que je mette des mots sur mes émotions, que je les transmette à quelqu'un et qui de plus enclin à m'écouter, que vous? J'ai adoré votre livre, il m'a bouleversé. Les souffrances, les déceptions, les doutes et les espoirs que vous y relataient m'ont profondément touché, votre écriture incisive, tantôt agaçante tantôt brillante mais toujours pertinente, le montage du livre sous la forme de chapitres très courts, rajoutant encore à l'effet incisif du récit, et cette histoire... quelle histoire! La votre, évidemment, ce qui ne fait que renforcer le côté tragique du livre. Certains passages sont d'une telle force émotionnelle, qu'ils n'ont à ce jour pas encore pu quitter ma mémoire. Une fois le livre refermé, on ne peut plus regarder sa couverture de la même manière. Ce regard, lancé directement au lecteur, à la fois perdu dans le vide, et las, comme un avertissement : "Ce que vous êtes sur le point de lire est une tragédie dont vous ne sortirez pas indemne." Ce regard, comme perdu entre "aidez-moi", et "tuez-moi".Je dois vous avouer que, votre roman, je ne l'ai pas lu de gaieté de coeur : je ne vous connaissais pas avant d'entamer ce premier - et non pas dernier roman écrit par vos soins. Pourtant, vous êtes une de mes plus belles découvertes littéraires.J'aurais aimé que vous lisiez ces lignes, c'est avec une infinie tristesse que j'ai appris votre décès, survenu 3 ans avant ma naissance. Je réalisai alors, que jamais vous ne saurez à quel point votre écrit a compté pour moi. Néanmoins, je suis heureuse de vous apprendre que vos écrits vous ont survécu, qu'ils continuent, aujourd'hui encore, près de 25 ans après votre disparition, à toucher des gens.Je terminerai cette lettre, perdue ici parmi des milliers d'autres, pour vous dire Merci. Merci pour ces moments, si douloureux, que vous avez partagé avec moi, lectrice impuissante.R.